J’ai grandi dans un village du Bas Saint-Laurent situé sur une des vieilles montagnes érodées des Appalaches, ces vieilles amies. Ce village, bâti sur un plateau, a été le labeur de pionniers dès 1860 et a été nommé officiellement Saint-Clément en 1881. Auparavant, il s’appelait Sénescoupé, du nom d’une des rivières qui coule dans ses alentours. Sur une butte en particulier du village, on peut avoir une vue 360 de l’horizon juste en tournant sur soi. J’ai toujours trouvé ces images de la nature à la fois inspirantes et magiques.

En remontant les vallons à travers les forêts boréales, s’habillant selon les saisons de vert, de feu, de blanc et de soleil, on voit d’autres monts dont certains sont plus hauts encore que Saint-Clément. S’y accrochent des maisons, des villages et ses habitants nichés dans le creux d’un bras de montagne, des clochers d’Églises aujourd’hui silencieux, des pales d’éoliennes monstres qui envahissent les champs, les prairies défrichées par mes ancêtres, ces souvenirs du temps de l’enfance qu’on y a passé à explorer les recoins et à y jouer avec les lutins, les fées, les géants. De temps à autres, remontant des vallées, on peut entendre un concert de moteurs de scies mécaniques au travail qui se répondent en échos sur deux notes principales, le son démarrage plus grave et la note plus aigüe de la coupe. Tout en savourant ces minutes d’observation, je me demande ce qui se passe là-bas, de l’autre côté des montagnes. «Et de ce côté, serait-ce que la mer de Champlain recouvrait aussi ces terres qui ressemblaient plutôt à une île?»

Dans les années 80, un concours lancé aux artistes établis, amateurs et en herbes permet de créer une image qui représenterait les armoiries du village, sa communauté, ses habitants, son milieu, ses valeurs. C’est ainsi que le blason du village est arrivé et s’est affiché aux trois entrées du village. La municipalité de Saint-Clément explique la clef des symboles qui représentent les valeurs et richesse de cette communauté. Le village Saint-Clément a depuis pour devise « d’une rivière à l’autre ». Tel une île château fort, il est gardé par ses rivières et ses ponts, géants gardiens d’un trésor perché.

Blason de Saint-Clément
Blason de Saint-Clément


Les trois rivières qui entourent le village et coulent dans ses vallons, s’appellent la Mariakèche, la Sénescoupé et la Trois Pistôles – elles entourent le village et on doit les enjamber à pas de géants pour monter les côtes qui mènent au village.

Un des ponts à emprunter pour s’y rendre est en reconstruction. En fait, on met en place un tout nouveau pont – s’appellera t-il lui aussi le pont rouge? Qualificatif donné à tous les ponts construits au-dessus de cette rivière que l’on aperçoit au fond de la falaise d’ardoise en mémoire du premier pont de bois peint en rouge, tout simplement. La dernière rénovation du pont rouge actuelle en béton remonte dans en 1977 lorsqu’on avait élargie les voies pour permettre à deux voitures de se croiser sans problème au milieu du pont.

Ce pont rouge, qu’il soit le 1er, le 2e ou le3e en place représentera toujours pour ma famille un lieu spécial, à la fois lieu de terreur et lieu de bénédiction. Terreur parce que mon grand-père Antoine y a laisser une jambe – la gauche – et aurait pu y laisser sa vie en tombant par accident des échafauds. Bénédiction parce que son handicap physique lui a valu de rester avec sa famille lors de la 2e guerre mondiale et de préserver la vie des employés ou hommes à tout faire qui l’aidaient sur la ferme et évitaient ainsi la guerre eux aussi.

Ci-dessous, une vidéo des travaux en cours pour bâtir ce nouveau pont rouge.
https://youtu.be/cM3AGJIdaUQ?si=uoKbIlKV40hkdAmJ
vidéo 4 (juillet 2024)

Remerciements à Rino Rousseau qui a fait et monté les vidéos filmées d’un drone.
vidéo 2 – (mai 2024) – Je vous invite à voir les autres vidéos qu’il a produits.

Trois autres ponts permettent de rejoindre le plateau du village. On les appellent localement le pont de la Mariakèche (pont des trois sauts si je me souviens bien) reconstruit vers 2015, le pont – le vieux pont Beaulieu et le nouveau (oui il y en a deux) – du moulin des Beaulieu (aussi en mode rénovation actuellement pour le pont Beaulieu) situé dans la côte du Cap – qu’on appelle aussi la côte à Napoléon, prénom de l’ancien propriétaire du Moulin, et le pont à Isidore qui enjambe la rivière Trois-Pistoles.
La rivière du Moulin Beaulieu est, depuis plusieurs décennies, le berceau de Paysage, mots du célèbre poète Gilles Vigneault. Étudiant de l’abbé Georges Beaulieu au Séminaire de Rimouski, il lui a dédié ce poème écrit sur une roche placée quelque part sur la propriété du Moulin près de la rivière.

J’espère que ce texte vous a plus! Partagez vos commentaires!

Lynnda P.


4 réponses à « Le pont rouge »

  1. Avatar de Julie Desmarais
    Julie Desmarais

    Salut Lynnda, ayant eu le bonheur de visiter Saint-Clément cet été, j’ai lu ton texte avec beaucoup d’intérêt! Merci d’avoir fait revivre ces beaux paysages pour moi ce matin!

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    1. Avatar de ©Argolla LProulx
      ©Argolla LProulx

      Merci Julie, je suis contente que tu aies fait cette visite! Y a t-il des éléments communs avec ton berceau dans l’Ouest?

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      1. Avatar de Julie Desmarais
        Julie Desmarais

        Héhé… mon berceau, il est en plusieurs morceaux! L’Ouest ne m’a connue qu’adolescente. Dans le même périple qui nous a mené à Saint-Clément, on s’est aussi arrêté dans les villages d’origine de trois de mes grands-parents, le long du Richelieu et de part et d’autre du lac Saint-Pierre… Mais ça, c’est plutôt le berceau de mes ancêtres! Au plaisir de te lire encore, Julie

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      2. Avatar de ©Argolla LProulx
        ©Argolla LProulx

        Richelieu, lac St-Pierre, de beaux endroits !

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thank you – merci!

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