Chères étudiantes, chers étudiants,
Je vous enseigne au collège francophone à Ottawa depuis le 2 septembre 2000, soit bientôt 18 années complètes avec la fin de l’année scolaire qui approche. Cette année, les deux sessions ont été particulièrement éprouvantes pour vous, tout comme pour vos enseignants et enseignantes qui sont sortis en grève pendant cinq semaines, un record historique. Ce soi-disant record visait la renégociation de leur entente de convention collective entre employeurs-employés scolaires.
Certains d’entre vous êtes venus piqueter sous le soleil d’automne, pancarte à bout de bras pour supporter vos profs, vos études, votre réussite dans l’espoir de pouvoir entrer sur le marché du travail à temps selon vos plans.
Au retour des professeurs et professeures par un vote de grève forcé, vous étiez démotivés, frustrés, éprouvés par l’incertitude de votre réussite scolaire et de la montagne de travail qui vous attendait. L’atmosphère était lourde et ce sombre nuage opaque vous empêchait de voir votre première ligne d’arriver de fin d’année scolaire. Ceux des deuxième et troisième années, déjà plus endurcis par les épreuves de leur première année au postsecondaire, étaient aussi inquiets, mais déterminés à se rendre au bout de leur programme d’études.
Votre collège visait votre réussite en planifiant une session sur 14 semaines qui a remplacé celle de 15. Il a même raccourci celle de l’hiver à 13 semaines, sans relâche au milieu, pour aller plus vite puisque le début des classes de cette session d’hiver se présentait en fin janvier 2018. Il a même déployé une nouvelle directive exigeant à vos professeurs la préparation d’un examen de reprise pour tous ceux et celles ayant échouer à 10 % de la note minimale de réussite en fin de session de janvier. Vous étiez 800 environs à avoir saisi cette occasion en or. On ne dit pas combien ont réussi.
Il reste maintenant 3 semaines avant la fin de celle-ci. Je sais, vous êtes à bout de souffle, moi aussi. J’ai dû éliminer des activités d’écriture et d’exercices oraux de ma planification habituelle inscrite dans mon plan de cours pour satisfaire aux exigences. J’ai dû revoir mes examens pour éliminer le contenu que j’ai dû couper, bien que j’ai presque tout présenté le contenu selon le plan de cours original, juste insuffisamment de temps pour mieux vous pratiquer de votre côté. C’est ainsi parce que moi aussi je dois répondre aux exigences de mon employeur.
Parlons en justement des exigences d’employeurs.
Lorsque je vous regarde écrire, vous concentrer sur votre travail et vers votre avenir, je m’étonne toujours et sans relâche du peu d’intérêts que vous portez à la langue française et à sa valeur. Je me corrige, je m’étonne que vous vous en souciiez (oui, deux i consécutifs parce que c’est le présent du subjonctif) sans pourtant essayer de mieux la maitriser. Voilà. Vous n’aimez pas les cours de français. Pas seulement les miens, ou ceux offert par mon employeur; vous n’aimez aucun cours de français, que ce soit grammaire, style, littérature, rédaction administrative. Seulement le cours de français me semble avoir rencontré plus de succès. De plus, la révision officielle des cours pour les simplifier et les rendre plus faciles n’a rien pour vous stimuler; vous vous ennuyer et briller par votre absence, d’autant plus que les présences ne sont plus obligatoires ni prise en note. Mais comment réussir un cours si on est toujours absent?
J’entends comme argument, à travers le voile des oui-dire de couloirs et de réunions, entre professeurs et directeurs d’école, que c’est parce qu’on vous dit depuis trop longtemps que vous n’êtes pas bons ni bonnes en français, que vous êtes devenus paresseux et ne lisez plus avec l’avènement de la nouvelle technologie du cellulaire et de la googleisation de tout. Est-ce vrai? Seuls vous saurez y le répondre…
Cette nouvelle technologie, maintenant bien intégrée dans mon enseignement, est-ce suffisant, est-ce trop de nouvelles méthodes pédagogiques?
Moi, je pense qu’une fois que vous serez sur le marché du travail, ceux et celles qui auront un meilleur français, donc règle générale une littératie élevée, seront la panacée des employeurs; les autres plafonneront en bas d’une tablette à 15 $ de l’heure pour classer des bouteilles, répondre au téléphone si leur compréhension du message livré en français est satisfaisante, ou iront livrer du courriel, si cela existe encore à ce moment-là. Mais encore, certains se rendront compte de leur limite et décideront de se prendre en main et de suivre des cours en ligne ou en privé pour se délivrer de leur handicap d’analphabétisme fonctionnel ou non fonctionnel. À ceux-là et à celles-là qui lèveront leurs manches, se prendront en main et se résoudront à rebrancher leurs neurones et synapses pour régler leur problème avec la langue de Molière, je dis BRAVO et vous félicite de vous sortir la tête de sous le sable.
Selon le Conference Board du Canada (en passant, je rigole toujours de cette mauvaise traduction… pas vous?), la littératie est ce qui influencera le bien-être économique et social de tous.
Un avenir éduqué c’est un avenir assuré? Il vous faut maintenant être bon partout, en mathématique pour votre budget, en technologie pour les robots qui s’en viennent et en français…