Bazooka

Partie I

Ce soir, en promenant mes chiens le long de l’avenue Bathgate, juste devant le parc Summerhill, j’ai eu un souvenir olfactif ; une odeur d’enfance de sapins baumiers, de bois mouillé, de terre dans les souliers et de bubble gum Bazooka saveur cerise, saveur raisin – des parfums imprégnés dans mon ADN; ça m’a rappelé l’été de mes 10 ans.

De fil en aiguille, d’autres images sont apparues, nettes, fraiches, comme l’odeur du printemps des champs ensemencés et fertilisés au purin de porc, de l’été qui sent bon l’herbe fraichement coupée, le repos et la rivière de mon enfance que l’on appelait la rivière du Pont rouge. Pour arriver à cette rivière, il me fallait descendre la grande côte qui pointait vers le rang Sainte-Anne, berceau de mes premiers cris à la vie. Dès les vacances scolaires arrivées, je descendais cette côte pieds nus, seule ou accompagnée de quelque autre gamin et gamine du village. Je voulais nager comme les grands, je voulais être grande et voyager, me libérer de mon insouciance.Quelques semaines plus tard, les crevasses ne tardaient pas à blesser mes talons, brûlant ma peau douce de petite fille dont les pieds sont desséchés par la chaleur de l’asphalte. Ma mère me rappelait la nécessité de porter des sandales, mais je faisais la sourde oreille et continuait mes promenades et supportait mes petites souffrances.

D’autres souvenirs de parties de cache-cache, de jeu de chat et de souris, de chat-perché ou de de tide, variante traduite littéralement par chat congelé. D’une partie à l’autre, les règles se réinventaient au gré de notre imaginaire. Tantôt, il fallait se glisser par terre et ramper entre les jambes des joueurs figés pour les libérer de leur état de momification ou de statue, car ils avaient été touchés par le prédateur, personne dont la tâche consistait à figer tout le monde pour gagner la partie. Ou encore les personnes qui avaient été touchées devenaient à leur tour des prédateurs. C’était alors plus terrifiant, un peu comme si des Zombies voulaient nous attraper pour nous transformer comme eux! Encore, à plusieurs joueurs, on pouvait encercler le prédateur et l’exciter, le taquiner pour qu’il nous attrape, pendant que quelqu’un d’autre allait délivrer un joueur figer. Un contre tous devenait tous contre un. Ainsi de suite, jusqu’à ce que le prédateur se fâche parce qu’il ne gagnait jamais sauf s’il était plus vieux et plus rapide et qu’il jouait avec de plus jeunes enfants du village. Ce qui arrivait à certaines occasions. Dans la cour d’école primaire, derrière le bâtiment paroissial de l’Organisation des terrains de jeux (O.T.J.) du village des jeux regroupant tous les jeunes, enfants et jeunesses, pour festoyer autour d’activités ludiques pour tous.

J’aimais jouer aux indiens et au cow-boy, j’aimais prendre des gageures.

  • Combien tu gages que je peux me mettre toutes les gommes d’un paquet de bubble gum Bazooka au raisin dans ma bouche et faire une balloune?

Et hop, je déballe – une, deux, trois, quatre, cinq morceaux de gomme d’environ un pouce par un demi-pouce dans ma petite bouche de gamine. Je mâche, je mâche, je salive, j’avale la salive, je mâche et je mâche. Je rigole mi-figue mi-raisin, je vais gagner et recevoir les 50 sous gagés – je suis la meilleure et hop une balloune! Enorme, odorante, collante! Dany la crève avec son index et me remet les deux vingt-cinq cennes et nous recommençons notre jeu favori – la cachette dans la cours d’école de mon village. Dany est venu visiter ses grands-parents pour les vacances de la Saint-Jean en juin juste après la fin de l’année scolaire. Un jeune blond de 11 ans aux yeux vert-bouteille-de-seven-up qui m’a donné mon premier baiser alors qu’on jouait à la cachette barbecue. Après la bulle de gomme au raisin, on est partis se cacher et s’il me trouve il m’embrasse, et si je le trouve je me cache à nouveau! Quelle idée! J’avais la trouille de me laisser trouver, aussi je me dépêchais à le trouver en premier, jusqu’à ce qu’il me surprenne – mon odeur de gomme balloune au raisin m’avait devancée et il m’a trouvé avant que j’ai pu disparaître, il s’est faufiler avec moi dans ma cachette et m’a donné mon premier baiser à la saveur de gomme balloune au raisin 🙂

(Partie II à suivre)

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4 réflexions sur “Bazooka

  1. La distance et le temps n’effacent pas les émotions vécues. Tes textes les éveillent et des images reviennent comme dans un diaporama de la conjection de nos vies! La nostalgie de doux souvenirs en ce qui me concerne.

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