Lettre à ma mère pour ses quatre-vingt ans

Chère maman,

On n’a pas tous les jours 20 ans, imagine quand on multiplie par quatre?

Quand je pense à toi, je t’imagine dans ta jeunesse en train de danser le two step dans les bras de jeunes admirateurs, la samba et le cha-cha avec ta jeune sœur Denise admirant ton savoir, folle de désir de surpasser ta souplesse et ton sens du rythme.

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Encore aujourd’hui, à ma demande, tu réussis à faire quelques pas de gigue dans la cuisine et rigoler avec fierté de ta capacité à pouvoir, encore, sautiller comme à tes 20 ans. « Tu vois comme je peux encore danser?»

Mother/Mère
Mother/Mère

Je me rappelle les histoires que tu me racontais de ton enfance et de ton adolescence; les coups pendables que tu organisais avec tes frères pour taquiner ta sœur Pauline ou encore pour te sauver de la surveillance parentale afin d’aller patiner sur le ring de glace et avoir le plaisir du vent glacial rougir tes joues adolescentes. Tes récits ont construit mon imaginaire et m’ont incité à développer ma créativité.

Malgré les défis que la vie t’a fait rencontrer, souvent seule, tu as su élever tes six enfants au meilleur de ta capacité, dans la dignité et l’espoir de jours meilleurs. Au diable les ragots des voisins; leurs mauvaises langues de vipères ne valaient rien en comparaison à l’amour que tu avais et a encore pour ta descendance. À la sueur de ton front, tu as travaillé tard dans la nuit pour assurer une vie décente à tes proches. Ton mariage malheureux ne t’a pas empêché de chercher le bonheur lorsqu’il était possible et de le trouver à ta façon.

Épouse, femme, mère, collègue de travail et amie, tu as toujours su trouver le souffle nécessaire pour guider ceux sur ton chemin qui cherchaient tes conseils. Pionnière à bien des égards pour le rôle des femmes dans la petite communauté où tu as évolué, que ce soit pour le travail hors foyer, la prise de parole pour défendre tes droits et ceux des plus infortunés, l’affrontement des commérages face au divorce, tu as courageusement poursuivi ta route, la tête haute. Tu es une femme brave et un modèle de courage, de dévotion.

Pour moi, je sais que tes bras ont bercé mes nuits insomniaques et fiévreuses, cajolé mon corps et l’ont protégé contre le froid;

Que ta voix a rassuré mes peurs et éloigné mes larmes en me chantant les vieilles mélodies d’antan;

Que tes gestes m’ont enseigné une ligne droite et une ligne courbe; celle pour avancer et celle pour me défendre;

Que ton humour a teinté mes journées sombres; tes paroles ont su tissé le meilleur de ma personne et m’aider à regarder devant.

Aujourd’hui ta mémoire vacille dans le néant; quelques bribes de ta vie demeurent encore intact : tu te souviens de nos noms, celui de tes six enfants, et c’est ce qui compte. Moi je me souviens pour toi de ta vie bien accomplie, de ta créativité, de ta bravoure et de ta force de caractère. Lors de l’une de nos récentes conversations où je te rappelais l’approche de ton anniversaire et des quatre-vingt années que tu allais atteindre, tu étais enchantée d’avoir cet âge. Je t’ai alors demandé jusqu’à quel âge tu avais l’intention de vivre.

« Moi, je vivrai au moins jusqu’à 100 ans! »

Bonne fête maman, que tes 80 ans soient lumineux!

Ta fille qui t’aime

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