Je suis Ottavienne. Je suis bilingue.

Pour la francophone ottavienne bilingue que je suis, demander si Ottawa, la capitale canadienne devrait obtenir un statut bilingue, c’est comme demander à quelqu’un qui vient de traverser le désert s’il veut un verre d’eau. On pourrait croire que les francophones seraient les seuls à profiter d’une ville bilingue, mais ce n’est pas le cas. Les explications des bénéfices du bilinguisme seront plus convainquant que ma ferveur culturelle, car qui dit bilinguisme dit aussi des citoyens aux capacités bonifiées, un meilleur service pour le tourisme et en bout de ligne une économie florissante.

Les effets du bilinguisme sur la santé

Je suis Ottavienne. Si ma ville était officiellement désignée bilingue, je pourrais espérer vivre un jour dans une des villes où résident une plus grande quantité de gens capables de développer leur matière grise et où les problèmes reliés à la mémoire seraient en diminution. En effet, des recherches démontrent que ceux qui parlent au moins deux langues possèdent une capacité d’apprentissage plus grande que les personnes unilingues. Ils ont également plus de facilité à développer d’autres habilités, telle la résolution de problème et le processus d’exécution de tâches (Bialystok, 2005; Hanuka, 1985; Pearl & Lambert, 1962; Rodriguez, 1992). Or, l’activité principale du cerveau est l’apprentissage, soit la capacité de modifier sa structure afin de refléter plus adéquatement ses expériences vécues[1]. Les citoyens d’Ottawa, officiellement bilingues, auraient l’avantage de posséder une plus grande ouverture à l’apprentissage, ce qui contribuerait à développer leurs aptitudes intellectuelles et à dépasser leurs propres limites, qu’elles soient intellectuelles, culturelles ou sociales.

De plus, le bilinguisme aiderait à compenser les habilités perdues avec l’âge dont la mémoire sémantique et la mémoire épisodique, aussi appelée autobiographique (Bialystok, Craik, Klein, & Viswanathan, 2004; Kormi-Nouri, Moniri, & Nilsson, 2003). La mémoire sémantique est la mémoire de références; c’est la partie du cerveau d’un individu qui lui permet d’archiver ses connaissances du monde, par exemple le sens des mots, les jours de la semaine, les coutumes sociales, la couleur d’objets et l’odeur de son environnement[2]. La mémoire épisodique est utilisée par chaque personne pour se rappeler de ses souvenirs personnels, de certains moments vécus dans un lieu et moment donnés, comme ce qu’on a mangé la veille ou le prénom d’un camarade de classe[3]. Encourager la désignation d’Ottawa comme ville bilingue, c’est souhaiter que ses résidents, tout aussi bilingues, bénéficient d’une capacité d’apprentissage et d’adaptation plus grande, et somme toute, d’une meilleure santé globale.

La signature canadienne

Ce pays de feuilles d’érable rouges se positionne en tant que patrie fièrement bilingue et inventé par trois peuples fondateurs : les peuples autochtones, les peuples anglophones et les peuples français (Citoyenneté et immigration Canada, 2012). De l’Atlantique au Pacifique et sur tous les autres continents, le bilinguisme représente la signature du Canada, dont Ottawa est la capitale. Quelques données de Tourisme Ottawa (2005) indiquent que parmi les voyageurs canadiens à visiter la capitale fédérale, 42 % proviennent du Québec. Chez les visiteurs internationaux, à l’exclusion des Américains, 11 6 % détenaient la nationalité française (Noël, 2008). Si la capitale du Canada était désignée ville bilingue, ces touristes francophones d’ici et d’ailleurs n’auraient plus à se demander qui parle français ou anglais sur ce territoire, car tous les services devraient tout simplement être offerts dans les deux langues officielles. Les touristes n’auraient plus à vociférer contre les commerçants et les restaurateurs qui ne se préoccupent pas d’offrir un menu ou un service de vente dans la langue de leur choix, car ceux-ci, préoccupés par leur pécule et leurs intérêts financiers, augmenteraient le nombre d’employés bilingues (Noël, 2008). Ainsi, les deux langues officielles seraient obligatoires partout, non seulement dans les aéroports et dans les services publics offerts par nos gouvernements fédéral, provincial et municipal, là où le nombre est suffisant, comme l’indique La charte canadienne des droits et libertés.

Les répercussions d’une capitale désignée bilingue toucheraient les institutions publiques et privées, les écoles et les organismes maintenant dédoublés pour offrir les services en français aux francophones et les services en anglais aux anglophones. Ces services pourraient être fusionnés, ce qui permettrait d’économiser beaucoup d’argent en éliminant 50 % des services administratifs qui les gèrent et les employés en surnombre. Il ne saurait être question de perte d’emplois, car dans une économie propice au développement, les individus bilingues multiplient par 10 leur chance de travailler. Très souvent, on clame à tort et à travers que le bilinguisme coûte cher, car en plus de devoir tout traduire dans les deux langues, il faut penser à former le personnel et l’encourager à communiquer dans les deux langues en milieu de travail. Que nenni ! Il s’agit là d’un lieu commun professé par ceux et celles dont la pensée manque d’originalité ! Il est vrai que les coûts du bilinguisme n’ont pas encore été calculés, mais on sait clairement, au contraire, que les retombées du bilinguisme stimulent la croissance économique et les échanges bilatéraux entre les provinces et à l’international (Conference Board du Canada, 2013). À ce sujet, l’honorable Christian Paradis, ministre de l’Industrie, commentait que l’usage de la langue de communication du client est plus susceptible d’établir de « solides relations, d’accéder aux marchés francophones et de contribuer à la création d’emplois et à la croissance ici, au pays. L’économie et la société deviennent de plus en plus intégrées à l’échelle mondiale, et de tels avantages permettent au Canada de réussir au sein des marchés hautement concurrentiels. » (RDÉE Canada, 2013). Promouvoir une capitale bilingue, c’est s’assurer d’une économie locale florissante et ouverte sur le monde.

À bien y penser, je m’étonne qu’Ottawa ne se soit toujours pas démarquée par une désignation bilingue. Le Premier ministre Harper et le maire Watson n’incarnent-ils pas par leur leadership bilingue le modèle vivant et concret de capacité intellectuelle, d’apprentissage et la promesse d’une meilleure économie ? Votez pour une capitale bilingue, votez pour une capitale ouverte et prospère!

Liste de référence

Bialystok, E., Craik, F. I. M., Klein, R., & Viswanathan, M. (2004). Bilingualism, aging, and cognitive control: Evidence from the simon task. Psychology and Aging, 19(2), 290-303. http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

Bialystok, E. (. (2005). Consequences of bilingualism for cognitive development.   New York, NY, US: Oxford   UniversityPress. http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

Citoyenneté et immigration Canada (2012). Découvrir le Canada. Document consulté le 28 janvier 2015, http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/publications/decouvrir/section-05.asp

Conference Board du Canada, (2013). Le Canada, le bilinguisme et le commerce.

Gouvernement du Canada. (2014). Loi constitutionnelle de 1982 : Charte canadienne des droits et libertés. Site Web de la législation. Document consulté en ligne : http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-15.html#h-46

Hakuta, K. (1985). Cognitive development in bilingual instruction.   U.S.; Virginia. http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

Kormi-Nouri, R., Moniri, S., & Nilsson, L. (2003). Episodic and semantic memory in bilingual and monolingual children. Scandinavian Journal of Psychology, 44(1), 47-54 http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

Le Cerveau à tous les Niveaux (s.d.) Mémoire et apprentissage. (Document consulté en ligne le 20 décembre 2014), http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_07/a_07_p/a_07_p_tra/a_07_p_tra.html

Noël, L.M. (2008).Yes sir! Magazine Jobboum, 9(2). Document consulté en ligne le 20 décembre 2014. http://www.myvirtualpaper.com/doc/Magazine-Jobboom/2008-02/2009021701/25.html#24

Peal, E., & Lambert, W. E. (1962). The relation of bilingualism to intelligence. Psychological Monographs, 76(27), http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

Réseau de développement économique et d’employabilité Canada. (2013). Le Canada, le bilinguisme et le commerce. Communiqué de presse. Document consulté en ligne le 28 janvier 2015) http://www.cedec.ca/le-canada-le-bilinguisme-et-le-commerce/

Rodriguez, Y. G. (. (1992). The effects of bilingualism on cognitive development. Dissertation Abstracts International, 53 (4-A), 1104. http://www.actfl.org/advocacy/discover-languages/advocacy/discover-languages/what-the-research-shows/references-cognitive#intelligence

[1] Le Cerveau à tous les Niveaux (s.d.). Mémoire et apprentissage. Document consulté en ligne le 20 décembre 2014, http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_07/a_07_p/a_07_p_tra/a_07_p_tra.html

[2] Ibid.

[3] Ibid.

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